On comprend qu’entre eux il y a une chimie, une alchimie même, et qu’ils sont sortis du même chaudron que les duos qu’on aime tant : les Kills, les Sparks, les Rita. les Casseurs flowters.
Ces deux-là se comprennent sans se parler. Ça fait deux ans que ça dure. « Je trouve un type beat sur youtube et je commence à poser des textes chez moi » dit Loic. « J’enregistre des mémos et je les balance à Ervan ». « Loic écrit tous les jours, tout le temps. Je prends des bouts de ce qu’il m’envoie, je copie, je colle ». Ping et pong. Des heures durant. Ervan est obsédé par le son. C’est lui qui se frotte à la musique. Il bidouille. Se fait saigner les phalanges sur sa six-cordes « Je joue bien de la guitare, moyennement bien de la batterie et de tout le reste un peu mal ». Il se marre. La musique d’Horla, c’est celle de l’époque, de la génération streaming et des playlists décomplexées. Pas de jugement de valeurs. La curiosité en alerte. Si tu taffes, on respecte. On prend tout. Tool. Massive attack. Angèle. Eminem. Jul… « On bosse avec Clément Daquin, le gars d’Alb. C’est une bête. Quand les titres commencent à exister, on va à son studio. On travaille les voix, les batteries, les mixes... »
Loic s’est cherché. Se cherche encore. Commence à se trouver. Il a taquiné les plantes vertes dans un bac horticulture, tenter le BTS tourisme sous les palmiers au Vietnam, puis l’animation pour mômes et le théâtre d’impro. « Je me sers des techniques apprises là-bas pour écrire, et puis je me nourris des gens que je rencontre. De ce que je ressens. Mes textes se prennent pas trop la tête. Ils viennent tout seuls. Balec, un peu, tu vois? »
« Balec »? Faut le dire vite. Comme la plupart des tourmentés, les deux Horla font des grands gestes pour indiquer une direction opposée à celle où ils gravitent. On les imagine pop, acidulés, bonbecs marrants à consommer sans façon, comme dans le clip cartoon de « Maserati », mais en grattant deux secondes, le rose vire au violet… Quand on se prend pour Génius et qu’on commence à décrypter les textes, le mot « colère » arrive vite (« La ville », « La rage »). Le besoin impérieux d’être libre aussi, de s’autoriser aussi bien l’egotrip bas du front (« la pression ») que la provoc malaisante (« le roi » et son perso immonde).
Et ce nom alors? « Horla ». On parle bien du roman de Maupassant? « Pas du tout! On a pris les premières syllabes de nos noms de famille. Or et La. Ça sonnait bien. On a commencé à lire le bouquin. On en est à la moitié. ». Ainsi vont ces deux-là : à leur rythme. En colère, libre et curieux. Puis sensible bien sûr. On sent l’âme à fleur de peau quand il faut parler de la maladie, quand il faut absolument le faire, parce qu’on est pudique mais que la tristesse prend toute la place (« Le voilier »).
Sur scène, Ils sont autant que dans la vie : Deux. « On sera peut-être trois un jour, mais pour le moment comme ça, ça nous plait ». Pas mal de premières parties au compteur, des têtes d’affiches à venir. « C’est dingue. On n'a rien sorti et on tourne déjà… On sera où dans un an? On verra où ça nous mène. On veut jouer. Jouer c’est tout. Le nombre de gens en face, c’est cadeau. ».
Les Horla rigolent.
Complices.
Sereins.
L’avenir est là, de l’autre côté de la porte du studio.
Il s’annonce généreux.
Il y en aura largement pour deux.